Jeudi 2 mars 2023, Jeu de Paume (en face de la librairie), 18h : Marion Craheix

Les discours autour et sur l'intersectionnalité finiraient-ils par étouffer, voire réfuter, les possibilités et l'existence même d'un féminisme noir ? Le livre de Jennifer C. Nash sera présenté par son éditrice Marion Craheix, fondatrice d'Aldéia.


-"Réinventer le Féminisme noir, au-delà de l’intersectionnalité", Jennifer C. Nash, éditions Aldéia, 2022

Jeudi 26 janvier 2023, Jeu de Paume (en face de la librairie), 18h : Fabienne Serbah Le Jeannic 

"Meursault eut juste le temps d’attraper le tram qui filait vers le port. La prison de Barberousse où il avait passé ces deux dernières années s’effaça derrière lui dans l’aveuglante lumière de ce matin d’août."

L'auteure imagine le sort du protagoniste de L'étranger d'Albert Camus en admettant que celui-ci n'ait pas été guillotiné. Elle décrit son existence entre 1945 et 1973, interrogeant l'histoire de l'après-guerre et la décolonisation de l'Algérie, dans le Paris populaire et celui de mai 1968.


-"Messali", Fabienne Serbah Le Jeannic, éditions Diabase, 2022

Vendredi 20 janvier 2023, librairie, à partir de 17h : Les Nuits de la lecture (thème : la peur)

La librairie ouvre ses portes, générations confondues, à celleux qui souhaitent partager la lecture, l'analyse ou les ressentis d'un livre choisi dans nos rayons.

Un verre de thé, des fruits de saison participeront de la convivialité du moment..

                                 

Jeudi 19 janvier 2023, Jeu de Paume (en face de la librairie), 18h : Paul Rocher


Jeudi 19 janvier 2023, Jeu de Paume (en face de la librairie), 18h : Paul Rocher


"Avec l’essai « Que fait la police ? Et comment s’en passer », Paul Rocher analyse avec minutie l’emprise policière dans nos sociétés.

Deux ans après son premier essai intitulé « Gazer, mutiler, soumettre: politique de l’arme non létale » (2020), l’économiste Paul Rocher publie aux éditions La Fabrique une analyse approfondie du rôle de l’institution policière.


Une réfutation du « mythe policier »


A la suite de son étude sur le lien entre l’usage de plus en plus croissant des armes non létales (Nuages lacrymogènes, grenades de désencerclement, LBD 40…) et l’escalade de la violence lors des manifestations, Paul Rocher revient sur un certain nombre de présupposés qui sont au fondement du « mythe policier »  dans nos sociétés. En s’appuyant sur une pluralité d’études, l’objet de ce livre est de réfuter minutieusement les idées selon lesquelles la police empêcherait le crime et manquerait de moyens pour parvenir à cette fin. Par le biais d’une approche subtile et pluridisciplinaire des sciences humaines et sociales, Paul Rocher historicise l’institution policière en France et montre comment celle-ci est devenue omnipotente. 


Une autonomisation progressive de l’institution policière ? 


Ce livre rend compte de l’institutionnalisation de la police et de son autonomisation qui lui permet d’avoir une emprise de plus en plus croissante sur la société. Avec précision, l’auteur porte ainsi une grande attention à retracer le rôle historique de la police, qui avant l’apparition du capitalisme n’était pas nécessairement lié aux enjeux de maintien de l’ordre. A ses origines, la police était communautaire et pouvait s’occuper de tâches diverses comme l’enlèvement des encombrants, ou la lutte contre le vagabondage. Ce n’est qu’avec le développement du capitalisme à la fin du XIXème siècle, que la police se professionnalise et devient une institution à part entière chargé d’assurer l’ordre et de réprimer. Pour l’auteur, cette répression s’est profondément accentuée avec l’émergence du néolibéralisme, qui détricote l’État-providence et admoneste les corps qui se mobilisent contre les réformes entreprises par nos dirigeants. 


La professionnalisation progressive de la police ne s’est pas faite par hasard et sans conséquences. L’économiste montre que c’est principalement pour des intérêts privés et protéger l’ordre établi que la police se structure à partir du Second Empire. L’institution policière est donc d’abord construite dans les intérêts de la classe capitaliste dominante, qui est désireuse d’éviter toutes contestations. Progressivement cette institution va prendre une place de plus en plus importante, et jouer un rôle dans la déportation des Juifs durant la Shoah. Au travers des exemples de la Shoah, des banlieues et des manifestations des Gilets Jaunes, Paul Rocher retrace comment par la colonisation, l’impérialisme et le capitalisme, la police se construit contre une grande partie du peuple. L’auteur conteste ainsi les mots prononcés par le Président de la République Emmanuel Macron, qui soutenait que les montées des répressions racistes et violentes de la police étaient étroitement liées à une montée générale du racisme et des violences en France. 


Une réflexion sur le dépassement de l’institution policière 


Dans la dernière partie du livre, Paul Rocher soutient que nous pourrions nous passer de la police et qu’une autre façon d’assurer la sûreté dans nos sociétés est possible. Cette thèse que porte l’auteur et qui sert de sous-titre au livre s’appuie sur deux exemples : l’Irlande du Nord et l’Afrique du Sud. Rocher montre que dans ces deux cas, d’autres formes comme les comités de rue se sont structurés contre des formes d’institution racistes, ou ségrégationnistes. Avec ce dernier chapitre, Paul Rocher envisage une autre résolution aux problèmes que posent l’institution policière. 


L’intérêt du travail de Paul Rocher est d’apporter une réflexion nouvelle sur le rôle et le fonctionnement de l’institution policière. Une institution dont le racisme apparaît comme systémique et surdimensionnée par rapport aux nombres de crimes et de délits commis. Si les références sont multiples, convoquant sociologie, histoire, économie, la lecture de  « Que fait la police ? et comment s’en passer » n’est jamais hermétique. Ainsi, dans une langue claire, Rocher nous enjoint non seulement à dépasser les présupposés qui fondent l’idée que la police est une institution nécessaire, qui est au service de toute la société, mais également à réfléchir à d’autres formes de gestion des conflits indépendantes de l’appareil d’État. 


En plus de cette réflexion sur l’institution policière qui est disponible dans toutes nos librairies, nous vous invitons à découvrir le très saisissant documentaire Un pays qui se tient sage (2020) du journaliste David Dufresne", Samuel Fergombé, toutelaculture.com.


>> Extraits


-"Que fait la police ? Et comment s'en passer", éditions La Fabrique, 2022

Samedi 14 janvier 2023,  librairie, de 11h à 15H : Michel Rougier


En 2017, lors de l'inauguration de l'incubateur Station F (Xavier Niels, free) "le président néolibéral autoritaire français" Emmanuel Macron avait eu cette phrase à propos de l'espace dédié aux uppeurs : "un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien".

Michel Rougier, ancien journaliste de Ouest-France (localier et grand reporter), en gardera trace et utilisera la phrase comme titre de ce livre qui nous fait partager le meilleur de ses rencontres d'une vie de journaliste : des femmes et des hommes de toutes contrées, des cités de l’Ouest de la France aux villes et villages d’Afghanistan, d’Algérie, du Sahel, du Rwanda, de l’Inde ou du Brésil, qui déploient un courage et une ingéniosité infinis pour faire face à la misère, aux guerres et aux injustices d’un monde impitoyable.

L'ouvrage invite affuter son regard sur les petits paysans, ouvriers, migrants, "exclus", habitants des banlieues et des favelas. 

Ces gens qui ne sont rien ou qui seraient invisiblEs, comme ont pu dire d'autrEs, celleux dont nous avons découvert le rôle essentiel pendant les pandémies, rapidement oubliéEs, mais aujourd’hui à nouveau "en première ligne" des conséquences de choix économiques et climatiques.

Michel Rougier anime également le webzine histoiresordinaire.fr.


-"Les gens qui ne sont rien, voyage à l'intérieur des courages populaire", Michel Rougier, éditions Histoires Ordinaires, 2022

Vendredi 13 janvier 2023, librairie, 18h : Yves Teicher

Orchestrée par Jean-Claude Leroy cette rencontre-hommage autour du flamboyant  et protéiforme jazzman Yves Teicher (1962-2022) se lira  autour de son dernier recueil de poèmes, "J'ai dans le sang" :


"J’ai dans le sang
Et au travers de la gorge
Un phrasé Be-bop
Qui d’une cave enfumée
Est venu se faufiler jusqu’à moi
Oui !"

"Ce n’est qu’après sa mort qu’Yves Teicher (1962-2022) apparaît plus largement comme poète. On le connaissait comme un musicien de jazz épris de la poésie de Rimbaud aussi bien que de la musique de Charlie Parker, auquel il consacra une mémorable séance d’enregistrement (cf. Yves Teicher plays Charlie Parker, CD Intégral Classic, 2005). Il interpréta sur scène Une saison en enfer d’une manière fort expressive et soulignant de son libre violon l’extra et folle lucidité de l’enfant de Charleville. Il fut aussi l’ami du poète André Laude, auquel il rendit hommage à plusieurs reprises.
Nourri des accents rimbaldiens, mais aussi de Charles Cros et de Germain Nouveau, ou encore de Max Jacob et de Charles Trenet, il s’était mis à travailler l’écriture comme il avait travaillé son instrument, avec un acharnement de découvreur. Des origines catholiques et italiennes par sa mère, amie de nombreux artistes, dont certains jazzmen de grand talent ; juives et roumaines par son père, révolutionnaire d’ascendance trotskyste et pataphysicien de choc. Son enfance liégeoise à la fois misérable et pittoresque lui laisse de vibrantes nostalgies, si bien qu’il donne à ses vers la couleur du merveilleux, accolant des ailes à la souffrance, comme pour voler dans les airs avec elle. En tout cas, cette capacité d’émerveillement sera une grande force pour Yves Teicher, par ailleurs aux prises avec le monde froid d’un carriérisme qui lui restera étranger. Mais la révolte et la rage furent également au rendez-vous, d’où cette veine libertaire indéfectible et revendiquée ; sa poésie marie le jazz et la rêverie, la révolte et la sensualité, elle jaillit comme une voix déchirante qui surgirait du pentueux quartier de Pierreuse où il a grandi et aimait retourner
Qu'ont-ils donc tous ces robots,
Ces gens qui marchent dans la rue,
Les yeux délavés,
Boutonnés par la peur ?
Je les croise par milliers
Ces anciens enfants
Qu'ont-ils donc à donner d'eux-mêmes
Un spectacle aussi navrant ?
Plus de nez ni d'oreilles,
Plus de corps, de sexe vrai !
Plus de soleil levant, de soleil couchant,
Plus d'étoiles, d'aurores…
Dans leurs veines coule un sang vicié !
[p. 35]
Une poésie qui pétille comme une remémoration, c’est que l’auteur dispose d’un imaginaire saturé d’impressions fortes et d’étonnements jamais dilués, il fait surgir les mots et les aligne simplement, dévoilant un panorama où scintillent les douleurs et les joies arrêtées sur la page. Redeviennent présentes des séquences très probablement vécues, à la lettre ; avancer dans un tel recueil c’est ouvrir un à un les tiroirs d’une chambre ouverte sur le monde, le monde profus et paralysant des grandes personnes, qu’il faudra vaincre ou séduire, pour conserver intactes les prérogatives de la sensibilité.
Des tableaux de vie d’une grande fraîcheur, innocence parfois marquée de noir, mais un regard qui illumine et confère aux choses les plus quotidiennes, les plus naturelles, une aura qui rehausse le prix de l’existence. Un recueil unique, il n’y en aura pas d’autres, c’est un tombeau fabriqué par celui qui repose sous la dalle. Préfacé par son ami et complice Georges Boukoff, le volume se clôt sur une adresse de Nathanaël, un des enfants d’Yves Teicher, qui rend ici un bel hommage à son père. À propos de son écriture, il rappelle à juste titre que « c’est une poésie écrite pour être récitée, chantée, criée… », Jean-Claude Leroy.

-"Yves Teicher, J’ai dans le sang", éditions L’Harmattan, 2022